Les dioramas du Musée d’histoire naturelle de Berne, en particulier les «Animaux d’Afrique» et les «Animaux de Suisse», sont les pièces historiques maîtresses du musée. Ils ont émerveillé des générations de visiteurs et leur ont fait découvrir non seulement des animaux du continent africain, mais aussi la nature sauvage, souvent tout aussi méconnue, qui se trouve à leur porte. Les vitrines classiques, les «livres d’images grandeur nature» avec leurs mises en scène et leurs acteurs restent aujourd’hui encore les chouchous du public. Au moment de leur création dans les années 1930, ces vitrines étaient considérées comme étant à la pointe de la modernité en matière d’art de la taxidermie et de l’exposition zoologique. Cette forme de présentation a néanmoins vieilli. Aujourd’hui plus que jamais, nous savons que les dioramas ne sont pas des représentations précises de la réalité, mais en partie des interprétations et des mises en scène vues par leurs créateurs. Bien souvent, l’agencement devait répondre à des préoccupations très pragmatiques liées à la disponibilité des objets et à l’espace disponible. Il arrive donc parfois que les dioramas représentent des groupes d’animaux qui ne se côtoient pas dans la nature.
La nouvelle présentation des dioramas vise à faire comprendre que les images de la nature étaient déjà souvent plus idylliques que la réalité au moment de leur création. Par ailleurs, le contexte historique a également été revu. Une grande partie des «Animaux d’Afrique» proviennent en effet du Kenya et de l’Ouganda, des territoires ayant été occupés par la Grande-Bretagne en Afrique de l’Est. Vivienne von Wattenwyl, chasseuse de gros gibier, et son père Bernard ont abattu des animaux entre 1923 et 1924 lors d’un safari de chasse et ont ensuite envoyé à Berne les peaux et les os des bêtes tuées. Ils ont ainsi en partie profité des structures coloniales; en d’autres termes, ils ont exploité le savoir et la main-d’œuvre de la population locale. Aujourd’hui encore, la chasse aux trophées est une tradition sur le continent africain. Elle fait l’objet de discussions controversées. Il existe en effet d’innombrables conflits d’intérêts et la frontière entre la protection et l’exploitation de la nature est mince.
Un nouveau regard sur les milieux de vie locaux
L’espace d’accueil comporte de très nombreux albums photos numériques et les visiteurs trouveront également des informations complémentaires près de chaque diorama. Les panneaux d’information ne fournissent plus seulement des indications classiques comme le nom ou le statut de conservation d’un animal, mais aussi des informations supplémentaires sur la disparition des espèces et la destruction de l’habitat animal. Celles-ci ne concernent pas uniquement les animaux vivant dans des pays lointains, mais aussi ceux qui se trouvent tout près de chez nous. Cette nouvelle présentation permet ainsi de porter un regard nouveau et différencié sur les «Animaux de Suisse». Lorsque cette partie du diorama a été ouverte au public en 1941, beaucoup de gens ignoraient quasiment tout de la faune locale. Les livres ou les films sur la nature étaient inabordables ou inexistants. Aujourd’hui, ces dioramas permettent d’aborder des sujets plus actuels que jamais, comme la destruction des habitats et la disparition des espèces.
Dans le cadre du programme accompagnant la nouvelle mouture des dioramas, nous organisons une série de tables rondes. Le 20 octobre, Friederike von Houwald, directrice du parc animalier de Berne, et Dora Strahm, curatrice de l’exposition NMBE, participeront notamment au débat sur le thème «La résurrection d’un rhinocéros» et discuteront entre autres des questions suivantes: Assistons-nous à une extinction de masse? Jusqu’où l’homme doit-il intervenir pour préserver ou recréer des espèces, et avons-nous encore de la place sur Terre pour tous les êtres vivants? Le 17 novembre, Gesine Krüger, historienne spécialisée dans le postcolonialisme à l’Université de Zurich, Solomon Sebuliba (UGA), biologiste de l’environnement à l’Université d’Oldenburg, Antoine Spillmann, président de la section suisse du Safari Club International, et Stefan Hertwig, directeur des vertébrés du NMBE, discuteront sur le thème de «La chasse au gros gibier et l’histoire coloniale: Quel rôle avons-nous joué ou jouons-nous encore?», de la chasse au gros gibier, du colonialisme et de l’attitude des musées face à leur héritage. Ces manifestations seront animées par le journaliste scientifique Beat Glogger et débuteront à 19 heures. Inscription: ici.